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  • Photo du rédacteurKarine Triot ktriot@free

Mon enfant ne sait pas gérer ses émotions !


Colères, peurs, pleurs inexpliqués et déroutants… Le quotidien avec un enfant ressemble parfois à une succession de grands 8 avec l’incroyable Hulk ! En tant que parents, on essaie de rester zen, genre « J’accompagne mon enfant avec calme et sérénité », mais ça finit aussi parfois par déborder. Et c’est bien normal !!!


On parle beaucoup des émotions aujourd’hui, mais souvent on s’arrête à la partie « je les identifie et je les respecte », ce qui est déjà un pas intéressant. Je vous propose d’aller plus loin dans l’univers des émotions pour les comprendre, mieux les accueillir, entendre leurs messages et poser un cadre éducatif pour des relations apaisées.


  1. D’où viennent les émotions ?

Tout être humain est composé d’un corps. Pas de vie, sans corps. Notre corps nous permet d’exister dans le monde et de le percevoir, grâce à nos 5 sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût.

Chaque jour, ils perçoivent environs 10 millions de stimuli et les acheminent vers le cerveau, véritable tour de contrôle de notre corps.

Notre cerveau est composé de 3 grosses parties, comme 3 ordinateurs différents mais reliés :

  • Le cerveau archaïque s’est constitué à l’ère de Cro-Magnon. Sa mission : notre survie ! C’est à dire assurer nos besoins primaires : manger, boire, dormir, se reproduire, être en sécurité.

  • Le cerveau limbique. Sa mission : notre affectivité. Nos émotions, nos relations sociales, notre mémoire émotionnelle à long terme.

  • Le néo-cortex, siège de la réflexion : analyser, comparer, raisonner, parler.

Dans cette tour de contrôle, un centre de routage, le thalamus, fait le tri entre les informations. En gros, il existe 3 cas de figures :

  • Je connais, c’est bon pour moi, tout va bien.

  • Je ne connais pas : Alerte ! Comment réagir ?

  • Je connais, ça peut faire mal : ALERTE +++ !


Je connais, c’est bon pour moi, tout va bien.

Quelqu’un entre dans ma chambre, c’est le matin, la lumière et le bruit me réveillent. C’est Papa qui vient m’embrasser et me faire un câlin comme chaque matin. J’ai l’habitude. J’aime ça. Je connais. Emotion de bien-être.

Utilisation du cerveau néo-cortex et du cerveau limbique : la dernière fois que Papa m’a réveillé, il m’a fait des chatouilles et c’était rigolo / Quand Maman me réveille, elle sent bon le patchouli / Quand je suis chez Papy et Mamie, j’entends des gazouillis d’oiseaux, alors que chez moi, j’entends plutôt le bruit du tramway.


Je ne connais pas : Alerte ! Comment réagir ?

C’est ma 1ère rentrée des classes. Je ne connais ni l’école, ni les autres enfants, ni les adultes. Je ne sais pas ce qu’on attend de moi.

Activation de l’amygdale cérébrale qui diffuse des hormones pour « aider à s’adapter ». Par exemple, la dopamine qui fait circuler le sang plus vite, exacerbe les sens pour réunir le plus d’informations possible, pour réfléchir plus vite et peut-être s’enfuir plus vite. Utilisation du cerveau limbique, relationnel : est-ce que je peux compter sur quelqu’un de connu pour m’aider ? Est-ce que dans mes souvenirs, je retrouve quelque chose de similaire ?

Ah oui ! ça ressemble un peu à la crèche, il y avait des dames gentilles, d’ailleurs la dame blonde là-bas ressemble à Elodie. Oh ! et voilà Mattéo, le fils de l’amie de Maman, avec qui je joue au square.

Ouf ! Je me calme et je peux recommencer à raisonner.

Si non… cf cas suivant.


Je connais, ça peut faire mal ou Je ne connais pas : ALERTE !

Maiday ! Maiday ! Fermeture automatique des accès vers le cerveau néo-cortex et le cerveau limbique. Je ne peux plus raisonner et je ne peux plus compter sur personne ! Prise de contrôle par le cerveau archaïque de mon ancêtre Cro-Magnon. Sa mission = me défendre coûte que coûte !

En cas de danger, 3 stratégies de survie : se cacher, fuir ou attaquer. En langage humain, ça équivaut à se cacher à l’intérieur de soi ou derrière Maman ; s’enfuir pour de vrai ou dans sa chambre ; faire une grosse colère.

Quand mon enfant (ou moi !) est dans cette situation, inutile de lui dire de se calmer, inutile de lui expliquer que le chien de Tante Agathe est gentil, la connexion vers son cerveau de raisonnement est momentanément interrompue.


2. A quoi servent nos émotions ?


Nos émotions sont des amies qui prennent soin de nous et nous alertent sur des besoins satisfaits ou insatisfaits.


  • La joie : Cette émotion nous permet de savourer, de gratifier, de nouer des relations, de faire des réserves de souvenirs agréables.

  • La tristesse est l’émotion de la perte, celle qui nous dit ce qui nous est précieux, ce à quoi nous sommes attachés.

  • La peur permet d’éviter les dangers qui pourraient nous être fatals. Emotion nécessaire et vitale de la protection.

  • La colère nous donne l’énergie de nous défendre, et de défendre les valeurs auxquelles nous croyons. Emotions mal aimée, souvent perçue comme inadéquate, elle est pourtant essentielle pour nous protéger des invasions, et faire progresser l’humanité.

Un peu comme les voyants du tableau de bord de la voiture indiquent qu’il n’y a plus d’essence dans le réservoir ou qu’il faut remettre de l’huile dans le moteur. Imaginerait-on ne prendre en compte le signal qu’après la panne d’essence ?


3. Que faire avec nos émotions ?


Les émotions ne sont ni bonnes, ni mauvaises, mais ce que nous en faisons peut être bon ou mauvais.

Souvent, on essaie de dominer ses émotions, de les contenir et d’être autant que possible « une gentille personne, stable et calme ». Ni trop excitée, ni trop émotive, ni trop colérique.


1ère stratégie : « faire passer » l’émotion

  • Inspirer et expirer à fond 5 à 10 fois en visualisant la respiration

  • Boire un verre d’eau en se concentrant sur le ressenti du trajet de l’eau dans le corps

  • Crier fort

  • Sauter haut

  • Taper (sur un coussin / pas sur son enfant !)

  • Être pris dans les bras

Ça fonctionne et c’est tant mieux parce qu’on ne peut pas toujours accueillir l’émotion, mais si on ne fait que ça, ça ne règle pas le problème.

C’est un peu comme un couvercle qu’on mettrait sur une casserole d’eau, avec le feu allumé en dessous. Ça bouillonne et ça déborde. Parfois on soulève légèrement le couvercle, la vapeur s’échappe et ça calme temporairement le bouillonnement mais si on ne baisse pas le feu en dessous, ça continue à bouillir. A terme, l’eau s’est toute évaporée et la casserole brûle !


2ème stratégie : accueillir son émotion comme une amie à qui on ouvrirait la porte.

Une émotion est passagère. Si on la regarde au lieu de vouloir la faire passer, elle finit par diminuer.

Cela passe par fermer les yeux et chercher où elle est dans mon corps : dans mes épaules, dans ma nuque, dans mon plexus ? Comment est-elle ? A quoi ressemble-t-elle ? Est-elle dure ou molle ? Est-elle immobile ou est-ce qu’elle se déplace ? Qu’a-t-elle à me dire ?

Une fois que le calme est revenu, on peut chercher de quel besoin cette émotion était la messagère.


Ex. Mon enfant s’est mis en grosse colère au moment de vider le lave-vaisselle. Que dit sa colère ? Que c’est injuste. Que c’est « toujours » à lui que ce service est demandé. Qu’il aurait besoin d’équité dans les tâches ménagères familiales.

  • Peut-être que c’est vrai et on peut discuter entre adultes ou en famille d’une répartition qui soit plus équilibrée en tenant compte des âges et des capacités de chacun.

  • Peut-être que c’est un ressenti. On peut entendre son ressenti, l’accueillir avec gentillesse… et le raisonner avec des arguments justes, ou une transmission des valeurs et des règles de la vie de famille.

« J’entends ce que tu me dis et en particulier ton besoin de justice et d’équité, mais moi je constate qu’hier et avant-hier, ce sont tes frères et sœurs qui ont vidé le lave-vaisselle. Est-ce que ce serait juste, si toi, tu ne le faisais pas, alors que tu en es capable ? Dans une famille, il y a un certain nombre de tâches à faire et si on les partage, c’est plus agréable pour tout le monde!»


Parfois, la colère, la bouderie, des débordements émotionnels… sont une bonne stratégie pour éviter d’affronter les frustrations (donc les corvées) !


Autre exemple : Encore un confinement ! Je suis en chômage partiel à ½ temps. Pour être une Maman parfaite (on a toutes envie de l’être !), j’ai fait la maîtresse d’école ce matin ; à midi, j’ai enchaîné sur le repas. Au moment de ranger, j’ai envoyé les enfants dans leur chambre pour avoir la paix, mon conjoint est reparti en visio, et j’ai donc rangé seule. Après, j’ai moi aussi rejoint mon ordinateur pour travailler. A 16H, les enfants ont débarqué. Puis des jeux, des disputes, le bain, le dîner et encore une cuisine à ranger. Au moment de me coucher, je suis en colère et une pécadille peut allumer la mèche d’une dispute avec mon conjoint… qui ne comprend rien à ce qui lui tombe dessus.

Derrière ma colère, il y a un besoin inassouvi : peut-être un besoin de reconnaissance (« Merci Chérie d’avoir super bien géré les enfants aujourd’hui pour me permettre de travailler au calme ») ; ou un besoin de réalisation, d’avoir avancé sur mon projet, alors qu’en fait j’ai à peine travaillé 2H ; peut-être un besoin d’équité, qui permettrait que toute la logistique du confinement ne repose pas sur mes épaules.


Alors, que faire, concrètement ?


Avec mon enfant :

1. Se mettre à sa hauteur

2. Le rejoindre avec ses capacités de l’instant = le corps. Le mettre en sécurité s’il est en danger, faire un câlin va le rassurer.

3. Poser des mots est essentiel pour mettre de la distance. Des mots gentils et non-jugeants. Il ne fait pas exprès de ressentir cette émotion. Elle est essentielle à sa survie.

Ex. le mot « caprice » est jugeant. Dire « Je vois que tu es très en colère.. » est plus neutre.

4. Poser une parole éducative : soit "Je te comprends, ton ressenti était légitime, mais il y a une autre manière de défendre ses opinions. Tu peux demander calmement, je t'écouterai". Soit "J'entends combien tu détestes te laver, mais la propreté n'est pas négociable. (En revanche tu peux choisir de prendre un bain ou une douche)".


Pour moi (qui suis encore un enfant à l’intérieur de ma carapace d’adulte !) :

1. M’arrêter ! Me poser et faire une pause.

2. Regarder où mon émotion coince dans mon corps et l’observer avec amitié et curiosité.

3. Faire des hypothèses avec des mots gentils, ceux que vous diriez à votre meilleure amie, pour trouver quel besoin est insatisfait et fait bouillir la casserole.

4. Faire une liste de « demandes » possibles sans se censurer. Des demandes pour d’autres et des demandes pour soi.


Ex. précédent : ma colère est dans mes épaules et ma nuque. Elle est diffuse et lourde. Je l’observe jusqu’à ce qu’elle diminue et devienne toute petite.

Mon besoin : un besoin d’équité. Je me sens découragée à l’idée que toutes les journées du mois à venir soient sur le même format : cuisiner, ranger, animer, gronder, nettoyer. Je voudrais ne pas passer tout mon temps à ça, parce que j’ai un projet plus enthousiasmant que j’ai envie de mener à bien.

Mes demandes : répartir les courses, repas et nettoyage avec quelqu’un d’autre (mon mari, mes enfants, une étudiante, une femme de ménage…) / Acheter des repas tout prêts (Picard, supermarché ou traiteur) / Jeûner tous les midis / Manger des céréales matin-midi-soir / Faire des picnic tous les midis / Faire un partenariat avec ma voisine pour cuisiner pour 2 familles en même temps un jour sur deux…

Ensuite on échange avec son conjoint pour voir ce qui est envisageable en expliquant en « je ».

« Je voudrais parler avec toi de ma journée, est-ce que tu es disponible ? Si non : « Quand pourrais-tu l’être ? » / Si oui : « Je me sens insatisfaite de cette 1ère journée de confinement, parce que je n’ai fait que de la logistique familiale et je me sens découragée parce que j’ai envie d’avancer mon projet mais si toutes les journées sont identiques à celle-ci, je n’y arriverai pas avant 2022. J’ai eu quelques idées (certaines farfelues !) pour trouver des solutions et j’aimerais les regarder avec toi. Qu’en penses-tu ? »


Parfois un besoin ne peut pas être satisfait, mais simplement pouvoir l’exprimer ou l’envisager dans l’avenir fait baisser le feu sous la marmite.


Par ex quand votre enfant pleurniche en voiture parce qu’il a soif. Son besoin est tout à fait légitime, mais vous ne pouvez pas vous arrêter dans la minute pour trouver une fontaine et satisfaire son besoin d’eau. (Qui n’est d’ailleurs pas vital dans la seconde). Vous pouvez d’abord accueillir son besoin.

- Maman, j’ai soif !

- Je suis désolée, la bouteille d’eau est vide.

- Mais j’ai super soif…

- Mon pauvre Chéri, c’est désagréable d’avoir soif et de ne pas pouvoir boire tout de suite.

- Oui…

- Je comprends, on arrive dans 5 minute chez Mamie. Qu’est-ce que tu voudrais boire ? De l’eau glacée ou seulement fraiche ?

- Avec des glaçons !

- Ah… Tu en voudrais combien dans ton verre ?

- 5 !

- Oh, ça fait vraiment beaucoup…

Le temps que vous parliez de ce grand verre d’eau version fonte des neiges, vous serez arrivés à destination, il n’y aura plus de larmes et votre enfant aura appris à différer un besoin sans souffrance. Une bonne expérience que son cerveau limbique pourra lui restituer la prochaine fois qu’il aura soif !


C’est important en tant que parent d’être connecté à ses émotions et ses besoins, parce que les enfants apprennent en observant les adultes qu’ils fréquentent et qu’ils aiment. En étant congruent, en les aidant à mettre des mots sur leurs émotions et leurs besoins, mais aussi en leur transmettant leurs attentes de comportements, les parents les aident à développer un comportement plus agréable pour eux et pour leurs relations avec les autres.


Vous n’y arriverez pas tous les jours, mais certains jours, oui. Et certains jours, c’est mieux que jamais ! Bon courage !


PS : Pour aller plus loin, suivez le chemin de la CNV (Communication Non-Violente) de Marshall Rosenberg, très répandue en France par Thomas d’Ansebourg (Des interviews sur youtube et son livre en librairie : « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! »), et par des formations de ACNV France. C’est un chemin qui ouvre des fenêtres !


Vous pouvez aussi prendre RV avec moi et nous verrons comment vous aider pas à pas à poser un cadre bienveillant à votre enfant, qui lui permette de se respecter tout en respectant les autres, de manière à vivre des relations plus agréables avec ses amis, les enseignants, vos amis, etc.

Parole d'ancienne colérique, ça vaut le coup d'apprendre à communiquer autrement !

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